Objectif Alimentation n°13, Janvier 2024

LA DÉNUTRITION, UNE MALADIE SILENCIEUSE QUI CONCERNE TOUS LES ÂGES DE LA VIE 

Elle touche plus de 2 millions de français en silence dont 270 000 placés en EHPAD, 400 000 personnes âgées à domicile. Mais pour autant, elle n’est pas une maladie de la vieillesse. Oui la dénutrition est une maladie et elle touche toute la population sans distinction d’âge, de morphologie, touchant même des individus obèses. Cette maladie pernicieuse et silencieuse est insuffisamment dépistée par les professionnels de santé et par conséquent insuffisamment prise en charge, ce qui représente indiscutablement une perte de chance pour beaucoup de malades. En effet, lorsque la perte musculaire atteint 50 %, les conséquences sont lourdes pour l’appareil musculaire, les défenses immunitaires du patient.

Objectif Alimentation qui souhaite sensibiliser sur l’ampleur de la dénutrition et ses conséquences et de contribuer à faire connaître cette maladie auprès grand public a rencontré le Pr Éric Fontaine, médecin nutritionniste au CHU de Grenoble et président du « Collectif de lutte contre la dénutrition ».

Dénutrition de quoi parle-ton ?

Dans 98% des cas, la dénutrition s’installe lorsqu’une personne ne mange pas assez au regard de ses besoins en protéines et en calories. Le déficit est alors compensé par l’organisme qui puise l’énergie manquante dans les graisses mais aussi, de façon plus préoccupante, le muscle. Les causes de ces trop faibles apports en énergie et/ou en protéines peuvent être multiples : perte d’appétit, anorexie, médicaments, troubles bucco-dentaires, troubles cognitifs, isolement social, difficultés financières…

Pour 2% des cas, la dénutrition résulte non pas d’une diminution des consommations alimentaires, mais d’une malabsorption (amylose digestive, maladie cœliaque, maladie de Crohn…) ou d’une augmentation de la fonction métabolique (hyperthyroïdie…).

Comment la repérer ?

« Lorsque l’on perd rapidement du poids, c’est que l’on perd du muscle, et non des graisses », explique le Pr Fontaine. La vitesse d’amaigrissement représente un second critère de repérage.

Deux signes doivent donc alerter : soit une maigreur mesurée par l’Indice de Masse Corporelle (IMC) (inférieur à 18,5 chez les plus jeunes, et inférieur à 22 chez les personnes âgées) soit, plus fréquemment, une perte de poids supérieure à 3 kg, correspondant à une perte de poids supérieure à 5% de son poids normal en un mois, ou 10% en 6 mois, ou 10% par rapport au début de la maladie (qui entraine la dénutrition), surtout si elle est rapide.

Comprendre l’origine de la dénutrition pour une prise en charge pluridisciplinaire adaptée.

Dans la plupart des cas, les personnes dénutries ont peu d’appétit. Le Dr Fontaine encourage ses patients à déconstruire certaines croyances alimentaires, les incitant à manger des aliments caloriques sans culpabilité. Il recommande également des collations, réservant les compléments nutritionnels oraux à la collation du soir pour éviter de compromettre la prise alimentaire du dîner. 

« Un muscle qui ne bouge pas est un muscle qui fond ! ». Outre la nutrition, l’activité physique joue un rôle clé, parce que l’inactivité contribue à la dégradation musculaire.

Sans diététicienne pour accompagner le patient, la prise en charge aura peu de chance de fonctionner.

Oui au grignotage, oui au gras et au sucré ! Déconstruire des mythes pour sensibiliser le public 

« Manger tout ce que vous évitiez pour ne pas grossir, inutile de culpabiliser sur les graisses ». Le Pr Fontaine souligne l’importance d’éviter les régimes restrictifs, notamment chez les personnes âgées, et remet en question, dans ce cas précis, le message du Programme National Nutrition Santé « ne pas manger trop gras, trop sucré, trop salé » destiné plutôt à une population plus jeune. La surmortalité associée à l’obésité doit également être relativisée, car elle concerne principalement les jeunes adultes.