Objectif Alimentation n°10, Décembre 2022 

Fructose, neuro-inflammation et émotion : effet direct sur le cerveau ou indirect via le microbiote intestinal ?

Doté d’un fort pouvoir sucrant, et d’un goût comparable au sucre de table, le fructose est utilisé par l’industrie agroalimentaire. Responsable de troubles métaboliques, quand il est consommé en forte quantité, faut-il aussi envisager un impact sur le fonctionnement cérébral ? Pour en savoir plus, la rédaction d’Objectif Alimentation a rencontré Xavier Fioramonti, chercheur INRAE et lauréat 2019 du Prix de Recherche de l’Institut Danone et de la Fondation pour la recherche médicale (FRM) pour les Sciences de l’Alimentation, pour faire le point sur l’avancement de ses recherches.

Au-delà d’effets métaboliques scientifiquement documentés, que connait-on de l’effet de la consommation de fructose sur le fonctionnement cérébral ?

Une consommation élevée de fructose est associée à un risque métabolique. En effet, dans son rapport de 2016, l’ANSES, souligne qu’un apport trop élevé (à partir de 50 g/jour) entraîne une augmentation de la triglycéridémie, voire, pour des doses supérieures à 80 g/jour, une insulinorésistance hépatique favorisant le diabète. Mais au-delà de ces effets métaboliques, des questions se posent également sur l’impact du fructose sur le cerveau. Et plus précisément, sur son rôle dans la neuro-inflammation et les émotions.  

Fructose et cerveau, une question de « transporteur » 

La raison de ces interrogations tient au GLUT-5, un transporteur spécifique du fructose présent dans le cerveau, qui le fait pénétrer dans des proportions élevées dans les cellules de la microglie à l’œuvre dans les phénomènes d’inflammation.  

Plusieurs travaux sont menés sur des modèles « in vitro » pour décrypter ces mécanismes éventuels. Et des premiers résultats confirment les hypothèses des chercheurs sur la perturbation de l’équilibre inflammatoire cérébral. Des tests réalisés sur des souris montrent, par exemple, qu’il génère différents troubles du comportement comme l’anxiété ou une perte de mémoire spatiale. Mais qu’en est-il chez l’Homme ? 

Des effets indirects possibles sur le microbiote 

D’autres études creusent la piste des effets indirects du fructose sur le microbiote intestinal composé de 100 000 milliards de bactéries, champignons, virus et parasites vivant dans notre système digestif. Là aussi, les résultats d’une première expérience menée sur des souris transgéniques intolérantes au fructose ont montré que les souris sont plus anxieuses et leur population bactérienne intestinale altérée.

Une étude clinique en cours 

Ces données obtenues sur des modèles « in vitro » ou animaux, ne permettent pas l’extrapolation à l’Homme. Une étude clinique est donc en cours pour confirmer ou non si le fructose induit des troubles émotionnels, auprès des personnes y étant intolérantes. Ce projet a reçu, en 2029, le soutien de l’Institut Danone et de la Fondation pour la Recherche Médicale dans le cadre du Prix de Recherche pour les Sciences de l’Alimentation. 

En attendant les résultats de ces recherches cliniques, Xavier Fioramonti émet l’hypothèse que l’organisme humain ne saurait pas gérer le fructose et que ce dernier semblerait inutilisable à des fins énergétiques. D’où des conseils de bon sens de limiter sa consommation, en privilégiant les sucres naturels et le fait maison.