Objectif Alimentation n°9, Octobre 2022

Comment les réseaux sociaux influencent-ils les comportements alimentaires des jeunes ?

Les influenceurs, bloggeurs, instagrameurs, sont des autodidactes qui a travers le partage d’une passion ont su créer une communauté sur les réseaux sociaux. Ils se sont créé une ligne éditoriale personnelle, donnent leurs avis, font part de leurs astuces, … Cette volonté assumée de s’ancrer dans le réel et d’incarner le message renforce le sentiment de confiance des jeunes à l’égard des conseils prodigués. Ce sont pour les jeunes adultes des vecteurs d’éducation qui reposent sur les leviers fondamentaux induits par les codes de communication numérique. Ces vidéos viennent renforcer les connaissances acquises ou bousculer les savoirs antérieurs façonnés par le cercle familial ou les messages de santé publique. Objectif Alimentation s’interroge dans son numéro 9 sur l’impact des publications des influenceurs et des réseaux sociaux sur le comportement alimentaire des jeunes adultes

Plus d’1 milliard d’interactions par mois sur Facebook, plus de 250 millions de posts sur Instagram dans le monde, l’hashtag #food est à ce jour l’un des hashtags qui suscitent le plus de partages sur les réseaux sociaux. Cette large diffusion pose plusieurs questions. D’abord celle de la véracité et du bien-fondé des messages, alors qu’ils émanent d’influenceurs catégorisés « healthy », qui ne sont pas nécessairement des professionnels de l’alimentation et de la nutrition ; celle également de leur influence sur les pratiques alimentaires ; mais aussi du formidable potentiel de sensibilisation des influenceurs, auprès d’une population qui passe en moyenne 3 heures par jour sur les réseaux sociaux.

3 heures

C’est le temps passé en moyenne chaque jour par les 16-24 ans sur les réseaux sociaux.

89% d’entre eux sont actifs sur Snapchat et Instagram,

82% sur YouTube,

74% sur Tiktok et 64% sur Facebook.

Les publications des influenceurs analysées au sein d’un programme de recherche ambitieux sur 7 ans

Récompensée en 2019 par le Prix de recherche pour les sciences de l’alimentation de l’Institut Danone et la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) pour son projet « Effets des réseaux sociaux sur la construction d’un nouveau mode de vie en matière d’alimentation et de nutrition autour du manger sain chez les 16-24 ans », Pascale Ezan, professeure des universités en sciences de gestion, spécialiste de la consommation des populations jeunes, fait le point sur ces travaux avec la rédaction d’Objectif Alimentation.

Son programme de recherche, conduit avec Maxime David, Doctorant à l’Université́ du Havre NIMEC, sur les années 2018-2025, s’appuie sur l’étude des publications de 200 influenceurs sur Instagram, Youtube, Facebook, et maintenant TikTok, réseau social incontournable chez les jeunes générations.

Réseaux sociaux, alimentation « healthy » et image corporelle

Leurs travaux reposent sur une démarche netnographique qui consiste à̀ reproduire sur un terrain virtuel une démarche ethnographique, c’est-à̀-dire une immersion au sein d’une population donnée. Les chercheurs se sont notamment intéressés à la valeur nutritionnelle des repas proposés par les influenceurs. Par exemple, l’un d’eux, qui totalise 34,9 k abonnés, partage des menus dont l’apport calorique moyen est deux fois moins important que les 2200 kcals conseillées pour des jeunes femmes de cette tranche d’âge (selon l’AFSSA). Sur les réseaux sociaux, il apparaît ainsi que l’occurrence « healthy » est en effet bien souvent associée à un désir de minceur et à l’image corporelle, plutôt qu’à une alimentation saine et équilibrée.

Le marketing social au service de la santé publique

Pour autant, l’utilisation des techniques d’influence et des social média dans le domaine de la santé publique peut s’avérer utile, dès lors que l’influenceur met sa capacité d’influence numérique au service de l’expertise nutritionnelle d’acteurs de santé. Une expérience tentée par le site mangerbouger.fr, avec des retombées très positives auprès des jeunes (lire notre encadré). Ainsi, les influenceurs peuvent apparaître comment d’excellents relais pour faire passer les messages de santé publique et promouvoir une alimentation saine et équilibrée auprès des jeunes publics.

A condition bien sûr que leurs propos soient validés ou appuyés par des experts de l’alimentation et de la santé. Un mécanisme qui peut s’avérer prometteur … mais à surveiller de près !

Des repas sains pour les étudiants, partagés sur Instagram

Avec ses 16,5 millions d’abonnés, Squeezie est un influenceur pour le moins… influent ! Alors qu’un étudiant sur deux déclare sauter des repas durant leur semaine de cours, « Santé Publique France » l’a sollicité pour un partenariat inédit pour promouvoir les recommandations du programme manger-bouger auprès des 18-25 ans. Objectif : encourager les jeunes à manger plus régulièrement et plus sainement en communiquant sur l’un de leur réseau social préféré : Instagram. La campagne vidéo lancée sur ce réseau social en novembre 2020 a été un succès : 30% des 18-25 ans ont déclaré avoir testé une ou plusieurs recettes après avoir vu les vidéos de Squeezie. Et le compte Instagram de Manger-Bouger a doublé́ son audience.