Objectif Alimentation n°15, Décembre 2024

 

Trajectoires de vie : ajouter des années à la vie et de la santé aux années

Depuis le début des années 2000, l’approche en matière de santé a évolué : il ne s’agit plus seulement d’augmenter l’espérance de vie, mais d’améliorer la qualité de vie et la santé durant ces années supplémentaires.

Jeanne Calment, doyenne de l’humanité, est décédée en 1997 à l’âge de 122 ans, 5 mois et 14 jours. Si cette longévité reste exceptionnelle, l’exemple illustre néanmoins la spectaculaire augmentation du nombre de centenaires depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Depuis 1970, ce nombre a été multiplié par 30. Ainsi la France compte environ 30 000 centenaires en 2023, avec une majorité écrasante de femmes (6 centenaires sur 7). Ce chiffre pourrait atteindre 76 000 d’ici 2040.

Vieillir s’accompagne toutefois de changements physiologiques inévitables, comme la diminution de la masse osseuse dès 25 ans et de la masse musculaire à partir de 30 ans, mais des stratégies adaptées, notamment nutritionnelles, permettent d’en limiter les conséquences et d’optimiser nos trajectoires de vie.

Vieillir ou bien vieillir : une évolution des paradigmes

Depuis 1997, la notion de « bien vieillir » a été élargie, incluant maintenant des paramètres centrés sur la qualité de vie, le maintien des aptitudes fonctionnelles, et la prévention des incapacités liées à l’âge. Bien-vieillir ne signifie pas vieillir en étant exempt de maladies liées au vieillissement, dont la survenue est inévitable, mais plutôt vivre ces étapes avec un maximum d’autonomie, de confort et de bien-être, tout en limitant l’impact de ces pathologies sur la qualité de vie.

En 2021, la France se positionnait au-dessus de la moyenne européenne en termes d’espérance de vie globale et d’espérance de vie en bonne santé :

Bien que l’espérance de vie en bonne santé (aussi appelée espérance de vie sans incapacité) continue de progresser grâce aux avancées médicales, sa progression reste plus lente que l’espérance de vie.

Les mécanismes du vieillissement : un puzzle biologique complexe composé de 12 marqueurs

Le vieillissement humain résulte d’un ensemble de mécanismes biologiques complexes permettant d’estimer notre âge biologique, pouvant être regroupés en trois catégories :

Vieillissement : entre génétique et épigénétique

Le vieillissement résulte d’une interaction complexe entre facteurs génétiques et environnementaux. Environ 30 % des mécanismes du vieillissement sont déterminés par la génétique, comme en témoignent des mutations du gène BRCA1 qui augmentent considérablement le risque de cancers. Cependant, les 70 % restants relèvent de mécanismes épigénétiques, qui régulent l’expression des gènes sans altérer leur séquence. Comparée au bouton de volume d’une radio, l’épigénétique module l’intensité de l’activité des gènes en réponse à des stimuli environnementaux tels que la nutrition, l’activité physique, le stress ou encore des expositions à des toxines présentes dans l’air, l’eau ou le sol. Ces influences, regroupées sous le terme d’exposome, façonnent l’épigénome tout au long de la vie, et particulièrement durant les 1000 premiers jours, période cruciale pour la santé future.

Le rôle central du mode de vie et de l’alimentation 

Ces modifications épigénétiques, souvent persistantes, peuvent être bénéfiques en favorisant l’adaptation de l’organisme à son environnement. Cependant, elles peuvent également augmenter la prédisposition à des maladies chroniques telles que l’obésité, le diabète de type 2 ou les maladies cardiovasculaires, responsables de millions de décès chaque année. En effet, des études montrent que cinq facteurs modifiables (hypertension artérielle, cholestérol non-HDL élevé, diabète, tabagisme et IMC élevé) contribuent à plus de la moitié des maladies cardiovasculaires et à un décès sur cinq. L’épigénétique constitue donc un levier puissant pour retarder l’apparition des maladies liées à l’âge et promouvoir un vieillissement en bonne santé, en modulant précocement les trajectoires de santé au cours de la vie.